Malgré les coups durs, le Hezbollah persiste : la « nation du parti » à l’épreuve des assassinats ciblés israéliens

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Malgré les tentatives d’affaiblissement israéliennes, le Hezbollah persiste en s’appuyant sur le modèle de « nation du parti » formulé par l’ayatollah Faḍllullāh, qui privilégie la mobilisation populaire et la résilience face aux pertes de leadership, renforçant ainsi sa capacité à se régénérer et à s’adapter aux menaces.

Esmail Jasem

10/15/2024 • 4 min lire

L’ayatollah Moḥammad Ḥusayn Faḍllullāh (1935-2010) était un important théologien chiite et penseur libanais. Né à Nadjaf, en Irak, il a étudié la théologie islamique avant de s’installer au Liban, où il est devenu une figure influente. Connu pour ses vues innovantes et ses critiques envers certains aspects de l’islam politique traditionnel, Faḍllullāh a développé les concepts de « parti de la nation » et de « nation du parti ». Ces notions ont influencé le Hezbollah, notamment dans la manière dont il articule la mobilisation communautaire.

L’analyse des concepts de « parti de la nation » (ḥizb al-umma) et de « nation du parti » (umma al-ḥizb), tels qu’élaborés par l’ayatollah libanais Moḥammad Ḥusayn Faḍllullāh dans son ouvrage الحركة الإسلامية : هموم وقضايا « Le mouvement islamiste : préoccupations et enjeux », offre un éclairage précieux sur l’islamisme chiite, particulièrement celui pratiqué par le Hezbollah libanais. Ces concepts révèlent une approche distinctive de l’organisation politique et de la mobilisation populaire, cruciale pour comprendre la dynamique actuelle au Moyen-Orient.

Faḍllullāh présente le « parti de la nation » comme une structure plus traditionnelle et hiérarchique, où un parti politique central dirige et encadre la nation (l’umma). Dans ce modèle, l’élite politique issue du parti est responsable de guider la nation et d’initier le changement. En revanche, le concept de « nation du parti », privilégié par le Hezbollah, place la communauté au cœur de l’action politique et sociale. Cette approche, selon Faḍllullāh, met l’accent sur la mobilisation populaire comme moteur principal du changement, avec une élite émergeant naturellement du terrain populaire plutôt que d’être imposée par le haut.

Le choix du Hezbollah d’adopter le modèle de « nation du parti » a des implications significatives. Il renforce sa légitimité religieuse en se présentant comme plus fidèle aux enseignements islamiques. Cette approche facilite une mobilisation plus large et organique de la population, offre une plus grande flexibilité organisationnelle, et favorise l’émergence de leaders issus directement de la communauté. De plus, ce modèle exprime une critique du système partisan traditionnel, considéré comme non-islamique et potentiellement déconnecté des besoins réels de la population.


Les récents événements impliquant Israël et le Hezbollah mettent en lumière l’efficacité potentielle de cette approche. Malgré l’assassinat de cadres importants du Hezbollah, y compris des figures de haut rang comme Hassan Nasrallah ou Fouad Chokor, l’organisation a démontré une résilience importante. Contrairement aux attentes israéliennes d’un affaiblissement significatif du mouvement, le Hezbollah a maintenu, voire intensifié, ses capacités opérationnelles.

Cette résilience peut être attribuée à plusieurs facteurs découlant du concept de « nation du parti » tel que défini par Faḍllullāh :

  • Une structure organisationnelle décentralisée qui permet au mouvement de continuer à fonctionner malgré la perte de leaders spécifiques.
  • Une forte mobilisation populaire et une base de recrutement solide au sein de la communauté chiite libanaise.
  • Une capacité d’adaptation tactique rapide, comme en témoignent les changements dans les protocoles de sécurité et la diversification des moyens d’attaque.
  • Un renforcement paradoxal de la légitimité du mouvement, chaque assassinat ciblé servant à galvaniser le soutien populaire et à justifier la « résistance » contre Israël.


L’assassinat de Hassan Nasrallah, le leader charismatique du Hezbollah, soulève des questions intéressantes sur la capacité du mouvement à survivre à la perte de son dirigeant emblématique. Dans le cadre du concept de « nation du parti », on pourrait s’attendre à ce que le mouvement soit capable de surmonter même une telle perte majeure. La structure décentralisée et l’accent mis sur l’émergence naturelle des leaders de la base pourraient permettre une transition relativement fluide du leadership, bien que la perte du charisme et de l’influence personnelle de Nasrallah représente indéniablement un défi significatif.

La capacité du Hezbollah à maintenir ses opérations et à s’adapter rapidement aux nouvelles menaces démontre l’efficacité potentielle du modèle de « nation du parti ». Cette approche semble conférer au mouvement une résilience et une adaptabilité remarquables, défiant les tentatives israéliennes de l’affaiblir par des frappes ciblées. Cela souligne également les limites potentielles de la stratégie d’assassinats ciblés d’Israël face à une organisation profondément ancrée dans sa communauté et capable de se régénérer rapidement.

En conclusion, l’analyse de la situation actuelle à travers le prisme du concept de « nation du parti » offre un éclairage précieux sur la dynamique complexe entre le Hezbollah et Israël. Elle met en évidence la façon dont une approche organisationnelle et idéologique spécifique peut influencer la résilience et l’efficacité d’un mouvement face à des menaces existentielles. Cette perspective souligne également l’importance de comprendre les fondements idéologiques et organisationnels des acteurs non étatiques dans l’analyse des conflits contemporains au Moyen-Orient.

Alors que la situation continue d’évoluer, il sera crucial de surveiller comment le modèle de « nation du parti » du Hezbollah continuera à façonner sa réponse aux défis futurs et son interaction avec les autres acteurs régionaux. Cette approche pourrait avoir des implications significatives non seulement pour l’avenir du Hezbollah, mais aussi pour la dynamique plus large des mouvements islamistes et des conflits régionaux dans le Moyen-Orient.

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