Petit sultanat situé aux confins de la péninsule arabique, en grande partie composé de zones désertiques et montagneuses, Oman a su se démarquer par une doctrine diplomatique unique en son genre et un positionnement géographique lui conférant un avantage stratégique majeur sur l’un des passages maritime les plus emprunté au monde.
Ambroise Godard
11/5/2024
Table of Contents
- L’exception ibadite omanaise, fondement historique d’un Etat à la diplomatie particulière
- Oman : artisan de la neutralité et pilier de la médiation diplomatique au Moyen-Orient
- Une plaque tournante stratégique dans une région tourmentée
- Défis contemporains et perspectives d’avenir : Oman face à l’incertitude géopolitique

L’exception ibadite omanaise, fondement historique d’un Etat à la diplomatie particulière
L’histoire d’Oman, autrefois appelé Magan, remonte à l’Antiquité, période pendant laquelle ce territoire était réputé pour ses ressources naturelles abondantes et sa position stratégique sur les routes maritimes. Cette localisation si particulière, aux confins de l’Asie et de l’Afrique avec un large littoral, a permis à Oman d’enrichir rapidement sa culture grâce aux échanges fréquents avec les grandes puissances perses, égyptiennes et indiennes de l’époque.

C’est au VIIème siècle qu’Oman adopte l’islam, la région se distingue alors par sa branche ibadite si particulière qui fait la singularité de ce territoire encore aujourd’hui. De 1154 à 1470, la dynastie des Nabhânides joue un rôle crucial en établissant ce qui sera alors la base de l’organisation politique et économique omanaise. C’est durant cette période qu’Oman se transforme peu à peu en un centre commercial et maritime prospère. Le début du XVIème siècle marque l’entrée dans une période tumultueuse avec l’arrivée des colons portugais qui occupent les principaux ports omanais dès 1507. Le peuple lutte alors contre cette domination et c’est près d’un siècle plus tard qu’il parvient à chasser les Portugais grâce à la dynastie yaroubide.
Les Yaroubides contribuent au renfort de la puissance maritime omanaise, étendant leur influence jusqu’à la côte est-africaine et l’Inde, faisant ainsi d’Oman une puissance régionale respectée. C’est au XVIIIème siècle, sous la dynastie Al Busaïdi, qu’Oman atteint son apogée en tant que véritable empire maritime. Jusqu’alors principalement reconnu pour son encens, l’empire omanais se diversifie en devenant un acteur clé dans le commerce d’épices et d’esclaves grâce à ses comptoirs en Afrique de l’Est ainsi que sur les côtes indiennes et en Iran. Cependant, les conflits dynastiques internes affaiblissent Oman et, au XIXème siècle, les Britanniques en profitent pour renforcer leur influence dans la région en signant plusieurs traités de protection avec Oman.
Longtemps marquée par un fort conservatisme incarné par le Sultan Saïd ibn Taïmour, l’histoire contemporaine omanaise est secouée par deux guerres civiles issues de rebellions populaires. La guerre de Jebel Akhdar de 1954 à 1959 se solde par une victoire du sultan soutenu par les Britanniques laissant place à la rébellion marxiste de la région du Dhofar dans le sud du pays quatre ans plus tard. Plus de 700 Iraniens venus porter assistance au Sultan dans sa lutte pour le maintien du pouvoir sont tombés sur le sol omanais lors de cette guerre, ce qui explique en partie les relations cordiales qu’entretiennent aujourd’hui les deux pays.
Finalement, c’est en 1970 que le sultan Qabus ibn Saïd renverse son père avec l’aide des Britanniques. Ayant reçu une éducation occidentale, le sultan Qabus enclenche une véritable révolution à la tête du pays en supprimant toutes les restrictions abusives imposées par son père. En même temps, Oman accède à la modernité en un temps record grâce à la rente des hydrocarbures. Qabus amorce une ère de modernisation et de réformes socio-économiques profondes abolissant notamment l’esclavage (bien que celui-ci ait mué, il n’a pas encore totalement disparu pour autant). Enfin, le sultan Qabus est l’initiateur de la si particulière doctrine diplomatique omanaise. Cette doctrine persiste encore aujourd’hui avec son cousin le sultan Haïtham ben Tariq ayant succédé à Qabus après sa mort en 2020. Haïtham poursuit les politiques de modernisation du pays tout en cherchant à renforcer la diplomatie omanaise sur la scène internationale.

La singularité de la tradition diplomatique omanaise est grandement influencée par la particularité religieuse de la région. À Oman, la religion dominante n’est ni le sunnisme, ni le chiisme, mais l’ibadisme, une branche distincte de l’Islam pratiquée par seulement 1% des musulmans à travers le monde. L’ibadisme est né au moment du schisme entre sunnites et chiites, au moment des affrontements entre le calife Ali et le contre-calife omeyyade Muawiya. L’école ibadite est originaire de la faction kharijite de l’islam, elle est une source de prestige qui attire l’attention des érudits religieux du reste du monde. Considéré comme l’islam des diplomates, l’ibadisme omanais est unique en raison de son approche modérée, non clivante et sans visées expansionnistes. Souvent caractérisée par un savant mélange entre conservatisme et tolérance, c’est cette singularité religieuse qui influence la doctrine diplomatique du sultanat d’Oman. Celle-ci se caractérise par une politique étrangère pacifique et non interventionniste, favorisant ainsi les relations de bon voisinage et la coopération régionale, ce qui reflète les valeurs de tolérance propres à l’ibadisme. En choisissant de s’inscrire dans la lignée diplomatique de son prédécesseur, le sultan Haïtham privilégie donc le dialogue avec tous les interlocuteurs, alliant neutralité relative et médiation dans une région tourmentée.
Oman : artisan de la neutralité et pilier de la médiation diplomatique au Moyen-Orient
D’un point de vue réaliste, la doctrine diplomatique omanaise n’est bien sûr pas qu’une œuvre de bon cœur ou un philanthropisme poussé à l’extrême. Les relations qu’Oman entretient avec l’extérieur pour contribuer à l’apaisement des conflits ont pour objectif de protéger sa propre sécurité nationale et de promouvoir l’influence diplomatique du sultanat. Surnommé la « Suisse du Golfe » (en nettement moins riche) pour sa stabilité politique et sa neutralité dans la plupart des conflits régionaux, le sultanat d’Oman assure, souvent avec efficacité, un rôle de médiateur.
Décrite par l’anthropologue norvégien Fredrik Barth comme une « idéologie de la politesse », la doctrine diplomatique d’Oman combine le pragmatisme à une certaine forme de constructivité pour contribuer à la paix et à la stabilité, deux éléments lui étant bénéfiques. Dépensant beaucoup pour sa défense, on comprend que la diplomatie de coexistence pacifique entre les nations que prône Oman est aussi une assurance vie pour ce sultanat relativement peu puissant militairement.
Se tenant à l’écart de toute ingérence ou acte polémique pouvant entraîner sa mise à l’écart et son ostracisation par ces voisins, la politique étrangère d’Oman se structure en premier lieu autour des enjeux du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), dont le pays est membre depuis 1981, année de sa création. Ainsi, pour sa première visite à l’étranger, le Sultan Haïtham s’est rendu en Arabie saoudite, État phare du CCG. En ce qui concerne ses relations avec Israël, Oman déclare « se satisfaire » de ses relations actuelles avec l’État hébreu tout en rappelant l’attachement du pays à une solution à deux États. Les relations cordiales qu’entretient Oman avec Israël témoignent du principe de neutralité qui, bien que pas formellement intégré à la politique étrangère omanaise, reste largement appliqué. L’autre exemple de l’application de la doctrine diplomatique omanaise est le rôle de médiateur que le sultanat a assuré dans la négociation des accords sur le nucléaire iranien. Oman a joué un rôle important dans ces négociations en accueillant plusieurs réunions préparatoires visant à encadrer les activités nucléaires iraniennes avant que cela ne soit remis en question sous Donald Trump.
Agissant comme un facilitateur diplomatique, Oman démontre sa volonté de maintenir des relations équilibrées avec les États du Golfe ainsi qu’avec les grandes puissances mondiales. En ce qui concerne ses voisins, Oman est sous l’influence croisée des deux grandes puissances antagonistes régionales : l’Arabie saoudite et l’Iran. Souhaitant tenir à distance l’ambitieux voisin saoudien, Oman a l’habitude d’utiliser ses relations avec l’adversaire principal des Saouds pour limiter l’influence de Riyadh. De plus, de bonnes relations avec l’Iran assurent une meilleure solution que de potentiels conflits en vue de la position stratégique qu’Oman détient sur Ormuz. Ainsi, tout en étant très proche de l’Arabie saoudite, le sultanat reste un fidèle allié à l’Iran même après la chute du shah, en partie due à la solidarité historique de l’Iran envers Oman qui s’est manifestée lors de la guerre du Dhofar. Il ne s’agit pas ici d’une loyauté aveugle, mais de trouver un point d’équilibre dans la proximité du sultan avec l’Arabie saoudite et l’Iran pour ne pas enflammer la région et perturber le commerce mondial qui profite à Oman. Mascate avait déjà adopté cette position avec l’Irak lors de la première guerre du Golfe.

Grâce à ses relations privilégiées et à sa position ambivalente, la diplomatie omanaise s’est une nouvelle fois illustrée lors de la réconciliation entre les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Qatar. Facilitant les négociations pour aboutir au sommet d’Al-Ula en janvier 2021, le sultanat en a profité pour se rapprocher stratégiquement de Doha. Cette convergence s’explique par le fait que ces États refusent tous deux d’être inféodés à Riyadh en entretenant des relations privilégiées avec Téhéran.
En revanche, la diplomatie omanaise se fait plus discrète au Yémen voisin. Bien que Mascate ait facilité les négociations onusiennes pour la prolongation d’un cessez-le-feu entre le gouvernement yéménite et les Houthis, qui a été respecté jusqu’à son expiration en 2022, Oman se contente de sécuriser sa frontière et de faciliter les actions humanitaires.
Les relations omanaises avec Israël sont cordiales, comme expliqué précédemment. Il n’y a pas d’hostilité apparente entre le sultanat et l’État hébreu, bien qu’il n’y ait pas eu de normalisation des relations pour autant et que Mascate dénonce « la guerre barbare menée à Gaza ». Il est à noter qu’Oman est devenu le premier État du Golfe à accueillir officiellement une visite d’un Premier ministre israélien avec Yitzhak Rabin en 1994.
Enfin, la meilleure illustration de la volonté omanaise de développer des relations équilibrées est la création du Centre de recherche sur le dessalement du Moyen-Orient (MEDRC) dont le siège se situe à Mascate. Cette ONG permet à des scientifiques israéliens, cisjordaniens, gazaouis, jordaniens et qataris de collaborer pour discuter du dessalement et de la purification de l’eau dans la région. Véritable plaque tournante, Oman s’est imposé comme un élément clé des pourparlers et des négociations au Moyen-Orient.

Dans ses relations avec les grandes puissances, Oman met aussi en avant l’atout de son jeu diplomatique unique. Bien que les puissances occidentales s’intéressent tardivement à Oman (on y trouve du pétrole qu’en 1962), aujourd’hui le sultanat est sous l’influence croisée des puissances américaines et chinoises. Un peu à la manière de ses relations avec l’Arabie Saoudite et l’Iran, Oman souhaite préserver l’équilibre fragile qu’il entretient entre les États-Unis et la Chine tout en profitant au maximum de leurs capacités d’investissement respectives. À cela s’ajoute l’influence britannique historique dans la région, au milieu de laquelle l’Union européenne peine à se faire une place. Premier État du Golfe à signer un accord officiel permettant à l’armée américaine d’utiliser les installations militaires omanaises (en 1980) dans le cadre d’un partenariat stratégique, la diplomatie du sultanat s’est illustrée dans les négociations ayant mené à la libération de randonneurs américains détenus en Iran. En ce qui concerne ces liens avec la Russie, Moscou et Mascate partagent plusieurs intérêts géopolitiques. Parmi eux se trouve la Syrie auprès de laquelle Moscou valorise les relations diplomatiques d’Oman avec le régime de Bachar al-Assad. C’est donc pour cela que, bien qu’ayant condamné l’invasion russe de l’Ukraine, Oman se refuse à imposer de sanctions et à distinguer la Russie comme agresseur.
La diplomatie omanaise est intimement liée au développement économique du pays. Mascate développe une stratégie de diversification de son économie pour faire face aux défis auxquels elle est confrontée, dont la dépendance aux hydrocarbures est le plus important d’entre eux. En effet, pour pallier la fin de la rente des hydrocarbures dans les années à venir et faire face au fort taux de chômage des jeunes, Oman compte sur l’exploitation du commerce maritime grâce à son large littoral. L’ouverture de la côte omanaise lui permet d’établir des partenariats commerciaux cruciaux avec l’Inde, le Pakistan, le Sri Lanka ou le Bangladesh pour pallier sa dépendance au commerce avec les États du Golfe. En effet, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite constituent à eux deux 41% des importations de biens à Oman, selon Coface for trade. Toujours dans sa stratégie de diversification économique, Mascate entretient des liens forts avec ses anciens comptoirs, puisqu’Oman considère Zanzibar comme sa porte d’entrée vers le continent africain.
Outre ces échanges commerciaux, le sultanat d’Oman s’engage aussi dans des partenariats visant à développer des infrastructures dans le pays. Sa volonté d’intensifier ses efforts en matière de diplomatie économique vise à multiplier les investissements dans le secteur privé, particulièrement dans les domaines non reliés au pétrole. L’objectif ici est de préserver un équilibre diplomatique entre les grandes puissances régionales et mondiales pour profiter au maximum des capacités d’investissement de chacune d’entre elles et tirer avantage de sa position géographique stratégique.
Une plaque tournante stratégique dans une région tourmentée
Véritable plaque tournante de la diplomatie moyen-orientale, le sultanat d’Oman est d’une importance stratégique majeure dans la région. Premièrement, sa position géographique en fait un acteur majeur pour le commerce mondial du pétrole. Situé au sud-est de la péninsule arabique et bordé par le mer d’Arabie au sud et à l’est ainsi que par le golfe d’Oman au nord-est, le sultanat dispose d’une large ouverture maritime lui ouvrant des routes vers l’Asie et l’Afrique. Sa position stratégique est renforcée par deux petites régions séparées du territoire national par les Émirats Arabes Unis: Madha et Musandam. La souveraineté omanaise sur la péninsule maritime de Musandam, verrou stratégique dans le golfe arabo-persique, offre au sultanat un accès direct au si convoité détroit d’Ormuz, le point névralgique de cette région. On estime aujourd’hui qu’environ 30% du pétrole mondial emprunte le détroit d’Ormuz, tout comme 25% du gaz naturel liquéfié, ce qui en fait l’un des points de passage maritime les plus importants de la planète. Le sultanat apporte sa contribution à la lutte contre la piraterie dans cette région clé et profite de sa diplomatie ouverte pour développer le champ pétrolifère de Hengham situé dans le détroit d’Ormuz en étroite collaboration avec l’Iran.
La situation géostratégique unique d’Oman ainsi que sa diplomatie particulièrement conciliante rendent le sultanat candidat à l’installation d’infrastructures stratégiques majeures pour relier l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Contrastant avec son milieu naturel contraignant composé à 70% de territoires désertiques et de haute montagne, la large ouverture maritime omanaise ainsi que sa souveraineté sur Musandam font du petit sultanat une plateforme d’échange exceptionnelle. Les trois ports les plus importants à Oman sont ceux de Sohar, Duqm et Salalah. Le port de Salalah, le plus important du pays, est classé par le World Container Port Performance Index comme le deuxième le plus efficace au monde, après le port chinois de Yangshan, et le premier dans la région.

La stabilité politique à Oman ainsi que ses relations diplomatiques diversifiées contribuent à son importance stratégique au Moyen-Orient. Lorsqu’en 2020, Haïtham succède à son cousin le sultan Qabus, la transition politique se fait en douceur, car le nouveau sultan s’inscrit dans les pas de son prédécesseur tant sur le plan de la politique interne que de ses relations avec les autres États. Oman reste ainsi un pays relativement ouvert et tolérant pour la région. À titre d’exemple, les Omanaises ont obtenu le droit de vente en 2002, en même temps que leurs compatriotes masculins, contre 2015 pour l’Arabie Saoudite voisine. Oman, pays à revenu intermédiaire, moins riche que ses voisins, s’illustre par sa dépénalisation de l’apostasie et son taux d’alphabétisation s’élevant à près de 95%. Il est tout de même à notifier qu’un processus de réécriture des références nationales a été entamé sous le règne d’Haïtham ainsi qu’un partage relatif du pouvoir avec les membres de sa famille, plaçant ses frères et ses cousins à des postes clés.
Ne faisant pas partie de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (l’OPEP), Oman tient son rôle d’îlot stabilisateur dans une région agitée à l’image de la coordination de la production de pétrole qu’apporte le sultanat dans le cadre plus large de l’OPEP+. Conscient des avantages stratégiques que lui confère sa position particulière, le sultanat a accueilli de nombreuses bases militaires sur son sol avant même que cela ne devienne une formalité dans la région. Oman, dont les liens avec les États-Unis ont été approfondis dans les années 80, a signé un accord-cadre stratégique avec l’État américain en 2019 permettant aux forces américaines d’utiliser les ports de Duqm et Salalah, suffisamment grands pour accueillir des porte-avions.
Le port de Duqm, également en capacité d’accueillir des sous-marins nucléaires pouvant facilement se déployer ensuite en mer d’Oman, est aussi convoité par la Chine. Malgré les investissements massifs de l’empire du Milieu, les américains, leurs alliés britanniques ainsi que les indiens y stationnent des bâtiments militaires, empêchant ainsi une implantation de l’armée chinoise. De cette manière, le port omanais de Duqm est devenu une véritable case stratégique sur l’échiquier des luttes de pouvoir dans l’océan Indien.
Pour conclure sur l’importance stratégique d’Oman au Moyen-Orient, intéressons-nous à ses ressources ainsi qu’à son modèle économique. Ayant longtemps reposé sur la rente des hydrocarbures, lui ayant assuré un accès à la modernité en un temps record, Oman se voit aujourd’hui dans l’obligation de diversifier son économie pour assurer une gestion plus durable de ses ressources. En effet, la dépendance à l’industrie pétrolière étant un pari stratégiquement risqué, Oman se tourne davantage vers ses grandes réserves minières concentrées dans les régions de Sohar et du Dhofar près de Duqm. Le sol du sultanat est riche en métaux comme le cuivre, le chrome, l’aluminium, l’or, le ferrochrome, le cobalt, le fer et le zinc, mais il possède aussi de grandes réserves de minéraux dont font partie le calcaire, le marbre, l’argile, le quartz, le sel, le basalte ou encore le phosphate. Visant à réduire ses émissions de carbone et à augmenter la production d’hydrogène, Oman essaye péniblement de sortir de l’industrie pétrolière et gazière. Celle-ci représentait 82% des recettes du gouvernement en 1991 et 78% en 2022, ce qui témoigne d’une transition économique particulièrement difficile.
Les estimations du PIB nominal omanais s’élèvent à 108 milliards de dollars américains pour l’année 2023 (66ème mondial) pour un PIB par habitant avoisinant les 21 dollars selon les estimations (55ème mondial). Dans son projet de refonte économique, Oman souhaite diversifier ses sources de revenus en s’appuyant tout particulièrement sur l’ambitieux plan « Vision 2040 » qui vise à faire du sultanat un hub commercial et touristique. Enfin, le parc industriel de Duqm occupe une position stratégique pour les futures nouvelles routes de la soie (projet chinois BRI) permettant ainsi d’éviter l’encombrement du détroit d’Ormuz.

Défis contemporains et perspectives d’avenir : Oman face à l’incertitude géopolitique
Fort d’une doctrine diplomatique singulière et d’une position stratégique majeure au Moyen-Orient, le sultanat d’Oman doit aussi faire face à son lot de défis afin de s’assurer de perspectives d’avenir favorables. En interne, Oman fait face à une forte pression économique ainsi qu’à la question récurrente du fort taux de chômage chez les jeunes. Le travail des jeunes est menacé par la très grande proportion de migrants vivant à Oman (estimée à 2 millions sur une population totale de 5 millions). Pour faire face à cette problématique et équilibrer ce ratio, des efforts ont été faits pour que la main-d’œuvre soit majoritairement omanaise. Toutefois, bien que renforcée suite aux manifestations populaires de 2021 demandant une réforme du régime et « la chute de la corruption », cette politique dite « d’omanisation » reste globalement peu fructueuse. De plus, le mégaprojet omanais « Blue City » s’est également soldé par un échec à plus de 20 milliards de dollars à cause de problèmes de gestion et de querelles juridiques entre les différents promoteurs du projet. Cet échec témoigne du manque de coordination qui s’ajoute parfois au manque de capital nécessaire pour satisfaire les ambitions omanaises.
L’autre défi interne auquel doit faire face Oman est la gestion de ses ressources allant dans le sens d’un développement plus durable. Pour pallier sa dépendance vis-à-vis de la rente pétrolière et réduire ses émissions de carbone, Oman mise sur l’augmentation de sa production d’hydrogène et l’intensification de ses efforts en matière de diplomatie économique pour amplifier davantage ses liens commerciaux.
Quant aux défis externes à son territoire, Oman doit composer avec les tensions régionales qui caractérisent la géopolitique de ses voisins. Outre son rôle de médiateur diplomatique majeur, le sultanat doit faire face à la criminalité internationale comme les attaques fréquentes de navires commerciaux dans le Golfe d’Oman, point de passage très important partagé avec un Iran engagé dans une guerre qui ne dit pas son nom avec Israël. Cette instabilité renforce encore un peu plus l’incertitude autour de la rente des hydrocarbures et des variations du cours du pétrole.
Cherchant à s’autonomiser du détroit d’Ormuz en développement le commerce maritime depuis sa façade sud-est ouverte sur l’océan Indien, Oman développe aussi son réseau ferroviaire, à l’image de la création de la joint venture entre Etihad Rail (ÉAU) et Oman Rail en septembre 2022 afin de relier le port de Sohar au réseau ferroviaire des Émirats. Cette joint venture a donné naissance en 2024 à l’entreprise Hafeet Rail, du nom de la montagne qui sépare les deux États (le Djebel Hafit). Ne possédant pas de réseau ferroviaire développé, cette connexion est un objectif stratégique extrêmement important pour Oman, qui permet d’éviter le passage de certains types de marchandises à travers Ormuz.
Ayant des capacités militaires limitées et souvent évaluées comme insuffisantes pour défendre son territoire et ses intérêts maritimes, l’armée omanaise compte sur son équipement moderne britannique ainsi que sur sa diplomatie alliant neutralité et médiation pour se protéger.
Pour conclure sur les perspectives d’avenir à Oman, l’État possède un potentiel de croissance économique intéressant. Le plan Vision 2040 visant à diversifier l’économie du pays initié par le Sultan Haïtham comprend le développement de secteurs d’avenir comme les technologies de pointe, le tourisme, la pétrochimie, les semi-conducteurs, les énergies renouvelables, la robotique et l’exploitation des métaux et minéraux présents dans le sol omanais. Sur le long terme, le plan Vision 2024 vise à faire du sultan un hub commercial et touristique majeur dont les activités culturelles sont particulièrement tournées vers l’Inde.
Enfin, un avenir radieux pour Oman passe aussi et surtout par un renforcement de son rôle de médiateur dans les conflits régionaux. Conscient de la nécessité d’insister sur ce point fort, Mascate souhaite établir encore davantage de relations avec les acteurs régionaux et internationaux afin d’améliorer les conditions de vie de ses citoyens en attirant les investissements directs étrangers tout en faisant la promotion de son identité et de ses traditions historiques. Devenu une plaque tournante clé dans les pourparlers et les négociations dans la région, Oman souhaite réaffirmer son importance stratégique majeure dans un contexte de résurgence des tensions géopolitiques au Proche et Moyen-Orient.