L’expansion de la BITD turque, entre manœuvre politique, technologies de pointe et influence géopolitique

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Alors que la Turquie tente de se positionner comme le partenaire majeur du nouveau régime de Ahmed Hussein al-Charaa en Syrie, Ankara ne semble pas cacher ses ambitions dans la région. Forte de démonstrations récurrentes, la Turquie compte beaucoup sur sa BITD pour amplifier son influence. La BITD, base industrielle et technologique de défense, regroupe l’ensemble des entreprises du secteur de la défense qui contribuent à concevoir et à produire les équipements pour l’ armée d’un État. L’importance d’une souveraineté sur sa BITD permet à un État de subvenir à ses besoins pour sa défense, et la Turquie cherche à devenir de plus en plus autonome en la matière. Véritable volonté politique d’Ankara, l’expansion de la BITD turque est devenue un élément clé de l’influence du pays qui se perfectionne dans les équipements militaires de haute technologie.

Ambroise Godard

2/5/2025 • 15 min lire


La BITD turque, un élément de puissance incontournable.

Entre héritage et modernité, l’émergence de la BITD turque

L’évolution significative de la BITD turque lors des dernières décennies est marquée par une volonté croissante d’autonomie stratégique. Cette volonté s’explique en grande partie par l’héritage culturel de la Turquie et aussi par de grands événements historiques qui ont fortement impacté l’idéologie nationale relative à la politique de défense. Il est indéniable qu’on peut établir un lien entre la politique actuelle de la Turquie en matière de défense et l’héritage laissé par Mustafa Kemal Atatürk. En effet, cette quête d’autonomie stratégique s’inscrit dans la continuité de sa vision de modernisation du pays. De plus, cela s’explique par le fait qu’historiquement, la Turquie est dépendante de ses alliés en matière de défense et d’exportations d’armement. Déjà proche des Occidentaux depuis 1945 suite aux multiples menaces de Staline, la Turquie intègre l’OTAN en 1952. Elle reçoit l’aide du FMI et du plan Marshall ce qui marque le renforcement de sa position et rend le pays ainsi que sa défense dépendants des États-Unis. Toutefois, pour mettre fin à la crise des missiles de Cuba, les États-Unis décident de retirer les missiles balistiques internationaux Jupiter du territoire turc pointé en direction de Moscou, officiellement pour cause « d’obsolescence ». Pour renforcer cette décision, le président américain Johnson ira même jusqu’à écrire en 1964, dans une lettre adressée au président du conseil turc İsmet Inönü, que les autres pays membres de l’OTAN, sous entendant les États-Unis en tête, “ne seraient pas nécessairement dans l’obligation” de défendre la Turquie en cas d’attaque soviétique si celle-ci envahissait Chypre. La Turquie, se sentant comme abandonnée par son allié protecteur américain commence alors à vouloir disposer de sa propre BITD afin de servir une politique d’autonomie stratégique indépendante et de défendre ses propres intérêts nationaux. De plus, le 20 juillet 1974, dans un contexte d’augmentation des tensions à Chypre, la Turquie lance l’opération Attila et occupe de facto 28% du territoire chypriote. Lors de cette opération, la Turquie utilise en grande partie des armes américaines sans pour autant disposer de l’autorisation des États-Unis. En réaction, l’oncle Sam sanctionne économiquement la Turquie et la partie nord de Chypre notamment en y plaçant un embargo sur les armes. Cette nouvelle sanction américaine, mise en avant par le pouvoir politique turc, résonne dans une population locale fière de son récit national et des valeurs insufflées par l’instauration de la Turquie moderne, républicaine et indépendante par Mustafa Kemal Atatürk. Chauffée à blanc par le pouvoir en place, la population turque perçoit ses sanctions américaines comme une véritable atteinte à son honneur nationale. Ainsi elle décide, notamment lors de campagnes de dons, d’apporter au gouvernement le soutien populaire dont il manquait jusqu’ici pour accélérer le développement de son industrie de défense nationale.

C’est donc à partir des années 1980 que le BITD turque émerge réellement. L’adoption de la loi 3238 du 7 novembre 1985, dont l’article premier précise que « l’objectif de cette loi est de développer une industrie de défense moderne et de permettre la modernisation des forces armées turques » est un tournant. Particulièrement institutionnalisée et jusqu’alors organisée sous forme de multiples fondations de soutiens, l’industrie de défense turque est réunifiée au sein d’une seule entité, la Fondation des Forces Armées Turques (TAFF: Turkish Armed Forces Foundation) en 1987. La loi 3388 qui permet la réunification de la BITD turque sous la TAFF accorde en parallèle aux entreprises concernées des avantages fiscaux multiples afin de garantir leur rapide développement.

Dépenses militaires en Turquie.

Dans le but de tendre vers l’autonomie stratégique, la Fondation pour le renforcement des forces armées turques (Türk Silahlı Kuvvetlerini Güçlendirme Vakfı), TSKGV est aussi instituée en 1987 et a pour rôle de comprendre ainsi que d’exprimer le besoin des forces armées turques. L’un des objectifs clairement affiché de la TSKGV est de permettre la diminution de la dépendance à l’égard des industries de défenses étrangères et de leurs fournisseurs. Ayant la nécessité de concilier besoin militaire et volonté politique de mise en avant de la BITD nationale turque, la TSKGV doit favoriser l’émergence d’un savoir-faire local. La BITD turque s’est d’ailleurs construite autour d’une stratégie de rétro-engineering orientée vers des accords de coproduction pour acquérir ce savoir-faire spécifique. Cette stratégie consiste à commencer par obtenir des accords de production locale et sous licence de firmes étrangères afin d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires au développement de matériel à l’échelle nationale. Par exemple, pour pallier au manque de savoir-faire local, le SSİK (Savunma Sanayii İcra Komitesi), comité exécutif de l’industrie de défense, également institué par la loi fondatrice 3233, a décidé de conclure un accord de co-production avec le géant américain General Dynamics dans le cadre d’un achat de 160 F-16. Cet accord mis en place en 1983 a grandement contribué à la montée en compétence de l’industrie aéronautique turque moderne par l’intermédiaire des entreprises TAI (Turkish Aerospace Industries) et TEI (Tusaş Engine Industries) aujourd’hui reconnues dans leurs domaines.

Afin d’appréhender la construction de la BITD turque, il est important de comprendre que les partenariats public-privé et le soutien de l’Etat aux entreprises privées ont été un facteur majeur du rapide développement de ce secteur. Administrée à la fois par le ministre turc de la défense nationale et par le chef adjoint de L’État major des armées turques, le TSKGV permet de mettre en place la collaboration entre l’État et les entreprises privées du secteur de la défense qui nécessitent de gros investissements en capital pour créer leur activité. Des entreprises d’armement ont ainsi été créées sous statut public et certaines le sont même encore aujourd’hui ce qui fait de l’Etat un acteur clé de la BITD turque.

Entrepôt de TAI (Turkish Aerospace Industries).

Synergie entre l’État et les grandes entreprises du secteur de la défense: les acteurs clés de la BITD turque

Le soutien de la BITD nationale est une frange très importante de la politique de défense que met en place la Turquie depuis plusieurs décennies maintenant. Outre les exemptions fiscales accordées aux chercheurs universitaires, et les fortes incitations législatives comme la loi 6676 qui multiplie par trois la part des activités de R&D dans le PIB, le gouvernement turc fournit un apport extrabudgétaire important à sa BITD. Cet apport assidu et constant provient du SSDF (Savunma Sanayii Destekleme Fonu), le fonds de soutien à l’industrie de défense. Entré en vigueur en 1985 sous l’impulsion de la Banque centrale de la République de Turquie et de la loi 3238, l’objectif du SSDF est clair : augmenter la compétitivité des entreprises nationales de défense afin de réduire la dépendance étrangère. Pour servir cet objectif politique, le SSDF permet de répondre aux besoins de financement des grands projets de défense comme celui du Altay tankı (char de combat de production national) mais aussi pour venir en soutien des PME ainsi que de la R&D. Avec un budget de 165 milliards de livres turques soit environ 4,5 milliards $ sur les 47,5 milliards $ du budget accordé aux armées, la portée du SSDF a continué de s’étendre tout au long de l’année 2024. De plus, en parallèle du SSDF, la politique d’acquisition turque met clairement en avant sa volonté de s’équiper en premier lieu auprès des entreprises turques avec pour préférence celles ayant le statut public avant de se tourner vers des entreprises internationales ou étrangères.

Enfin, la diplomatie de défense de la Turquie est orientée en premier lieu vers ses voisins régionaux avec qui elle partage un lien culturel fort. C’est pourquoi nombre de ces marchés se trouvent en Asie centrale à l’image du marché kazakh remporté par Aselsan, entreprise produisant des systèmes de communication et de défense électronique pour le compte de l’armée turque, au détriment de Thales. Les entreprises de défense turques décrochent aussi régulièrement des contrats dans d’autres régions du monde comme en Afrique et au Moyen-Orient pour fournir du matériel d’infanterie, du génie ou des appareils de transmission.

La stratégie de nationalisation des savoir-faire au sein de la BITD turque s’articule également autour de produits innovants très médiatisés mis au point par des entreprises de pointe. Ce n’est pas un hasard si 4 entreprises turques figurent dans le top 100 mondial des entreprises de défense selon le journal américain Defense News. Parmi ces entreprises, Turkish Aerospace Industry (TAI) est peut-être l’une des plus en vogue. Spécialisée dans la production d’aéronefs comme des avions, drones, satellites ou hélicoptères de combat, TAI est détenue par la TAFF (Turkish Armed Forces Foundation) et par l’Agence de l’Industrie de Défense, deux organismes proches du pouvoir étatique. Autre entreprise du secteur appartenant au secteur de l’aéronautique turc, Baykar Teknoloji est particulièrement connue du grand public pour ses drones TB2 et TB3. Véritable pionnière de le domaine des drones militaires, Baykar a fait ses preuves que ce soit avec le million d’heure de vol dépassé par le TB2, très utilisé en Ukraine et dans le nord de la Syrie, ou bien par les récents tests concluants d’appontage de TB3 sur le TCG Anadolu, le navire amiral de la marine turque. Dans le domaine de l’armement cette fois-ci ce sont les entreprises Roketsan et Aselsan qui mènent la barque. Respectivement spécialisés dans la conception de roquettes/missiles ainsi que de systèmes de communication, guerre électronique, radars et systèmes de guidage, ces deux entreprises ont aussi été fondées entre la fin des années 70 et le début des années 90. Enfin, la maîtrise du théâtre maritime, délaissé pendant longtemps, est aussi un objectif pour la Turquie, comme l’explique le docteur et chercheur en relations internationales, spécialiste de la Turquie Aurélien Denizeau “en moins d’une décennie, la Turquie s’est imposée comme un acteur géopolitique de premier plan dans le bassin méditerranéen”. Cela ne s’arrête pas là, le consortium de chantiers navals turc TAIS Shipyard affiche même l’ambition de devenir l’un des leaders mondiaux de la construction navale militaire.

Les entreprises turques du secteur de la défense comptent aussi sur l’engouement médiatique que suscite leurs projets phares. De grandes campagnes de communication sont menées pour mettre en avant les avancées technologiques et les nouveaux produits. Elles empruntent les grands symboles nationaux pour s’appuyer sur le patriotisme de la population. Les activités de R&D du domaine militaire sont encouragées par la création de technopôles au sein d’universités pour inclure les jeunes générations, qui représentent l’avenir, au sein de ces grands projets. Véritable fierté nationale, l’industrie de défense turque présente régulièrement ses produits à la population locale et au monde entier lors d’impressionnants meetings aériens ou d’expositions. Le Teknofest, par exemple, est un festival célébrant l’aéronautique et le spatial qui expose les avancées technologiques civiles comme militaires du secteur. Lancé en 2018 par Haluk Bayraktar, PDG de Baykar, le festival qui a lieu tous les ans est l’occasion de mettre en avant les produits phares du secteur aéronautique. Hormis les expositions comme le Teknofest ou les salons internationaux d’industrie de défense comme l’IDEF ou SAHA Expo, la communication autour de la BITD turque s’opère aussi sur les réseaux sociaux à l’image de l’équipe acrobatique SoloTürk qui compte plus de 674 000 abonnés sur leur compte Instagram. L’équipe de Murat Bakıcı y expose les figures qu’elle réalise à bord de leurs F-16 reconnaissables à leurs motifs noir et or arborant les symboles nationaux.

Enfin, la communication opérée par la BITD turque pour mettre en avant ses produits s’articule aussi autour de ses projets phares comme l’avion de combat de 5ème génération TF-X Kaan. Conçu par TAI et lancé en 2010, le programme du Kaan, qui signifie “celui qui gouverne”, a pour objectif de concevoir un avion national pour remplacer les F-16 C et D de l’armée de l’air. La furtivité, élément clé de la conception de cet appareil est en partie assurée par sa capacité d’emport en interne afin de réduire sa surface équivalente radar, tout comme le F-35 américain dont la Turquie, reste un partenaire industriel. Le premier vol du Kaan a eu lieu le 21 février 2024 avec une année d’avance sur le programme annoncé. Ce vol a lui aussi fait l’objet d’une campagne de communication dans laquelle nous est montré toute la jeunesse des équipes de TAI. Au-delà de la réussite de ce test, la Turquie fait passer un message clair, les fulgurants progrès de sa BITD réalisés jusqu’ici sont aussi assurés par de jeunes talents prometteurs pour les années à venir dans un monde où l’industrie de défense et son utilisation en tant qu’outil de pouvoir vient impacter les équilibres géopolitiques.

F-16 de l’équipe acrobatique SoloTürk.

Implications géopolitiques : la BITD turque et ses partenaires internationaux

Les relations extérieures et l’influence régionale de la Turquie reposent en partie sur les partenariats militaires que le pays arrive à négocier grâce aux éléments issus de sa BITD. La Turquie utilise sa BITD pour se positionner comme une alternative aux grandes puissances et en profite pour affirmer sa volonté de réformer le système international. Pour Léo Péria-Peigné, chercheur à l’IFRI, l’exportation garantie à la Turquie de la “rentabilité” et manifeste la volonté du pays de “mordre sur la marché européen” à travers ce qui représente un véritable enjeu stratégique pour Ankara. A titre d’exemple l’entreprise turque STM a obtenu en juin 2016 le contrat de rénovation des 3 sous-marins pakistanais Agosta 90B pourtant conçus par Naval Group. Ces accords trouvés permettent à la Turquie d’étendre sa sphère d’influence mais aussi d’étudier le comportement de leurs équipements lorsqu’ils sont employés par leurs clients ou bien par leurs propres forces nationales dans des conflits régionaux. L’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Libye ou le nord de la Syrie sont quelques exemples des multiples terrains sur lesquels le matériel militaire fabriqué par la Turquie a fait ses preuves. Les retours d’expérience sont précieux pour les commerciaux et les ingénieurs des industries de défense turques afin d’adapter et de parfaire leurs systèmes pour être toujours plus compétitifs. La Turquie mène aussi de nombreux partenariats stratégiques que ce soit avec ses alliés historiques comme les États-Unis et les autres membres de l’OTAN mais aussi avec des pays d’Asie centrale et des Balkans en raison du fort lien culturel qu’ils entretiennent. La Turquie se tourne aussi désormais vers l’Afrique avec laquelle elle souhaite intensifier ses échanges commerciaux en signant des contrats de défense et en fournissant des équipements militaires. Enfin les partenariats stratégiques de la Turquie tendent à s’étendre à l’image de sa collaboration avec la Malaisie en matière de défense qui s’est vue renforcée d’un accord de coopération industrielle au premier semestre 2023.

L’influence de sa BITD et les relations que nouent la Turquie à l’international grâce à la commercialisation de ses équipements et aux partenariats stratégiques auxquels elle est intégrée ne la préservent pas pour autant des tensions propres aux luttes de puissance.

Le succès des drones de combat turcs est un élément clé du renfort des relations entre la Turquie est ses partenaires internationaux.

Bien que connaissant une impressionnante expansion depuis maintenant plusieurs décennies, l’industrie de défense turque fait toujours face à des défis et des tensions, notamment vis-à-vis de ses alliés qui se méfient des ambitions d’Ankara. En effet, malgré le fait que la Turquie fasse partie de l’OTAN, plusieurs événements témoignent de tensions géopolitiques avec certains membres de l’alliance. En 2023, par exemple, un drone turc a été abattu par les États-Unis au-dessus de la Syrie car ils estimaient que le drone représentait une menace pour les forces américaines présentes sur place. Autre événement marquant illustrant les tensions entre la Turquie et ses alliés otaniens, l’incident du 10 juin 2020 entre une frégate turque et une frégate française au large des côtes libyennes. L’Oruç Reis turc aurait “illuminé” le Courbet français alors que ce dernier avait reçu l’ordre d’inspecter un cargo turc suspecté de contrebande d’armes dans le cadre de l’embargo sur les armes imposé à la Libye. Cet événement entre les deux marines alliées constitue un incident extrêmement grave dans la mesure où illuminer une cible constitue la dernière action précédent un tir, il s’agit donc d’une manœuvre extrêmement agressive. Ajoutons tout de même que selon la version turque, L’Oruç Reis n’aurait pas illuminé le Courbet mais l’aurait “désigné” ce qui correspond à un ciblage un cran moins agressif. En ce qui concerne le secteur de l’industrie de défense, l’exclusion de la Turquie du programme F-35 par les États-Unis symbolise également les tensions entre Ankara et certains de ses partenaires stratégiques occidentaux. Après l’acquisition de systèmes de défense antiaérien S-400 de fabrication russe, les États-Unis craignaient que des éléments de production du F-35 ne soient partagés à la Russie par la Turquie. Cette manœuvre symbolisant toute l’ambiguïté stratégique dont fait preuve le régime d’Erdoğan, a conduit à l’expulsion de la Turquie du programme de l’avion de chasse américain de cinquième génération et à l’annulation de la livraison des 30 F-35 commandés par Ankara. Toutefois derrière cette décision politique américaine hautement symbolique la Turquie est restée un partenaire industriel du programme F-35, fabricant des parties importantes de l’avion comme le train d’atterrissage ainsi que de morceaux du fuselage. Il ne fait nul doute que l’expérience acquise dans la fabrication de ses pièces pour le chasseur américain a grandement bénéficié au programme TF-X Kaan local. Ajoutons qu’en septembre dernier des négociations ont eu lieu entre turcs et américains pour l’acquisition de 20 F-35 alors même qu’une commande de 40 F-16V avait déjà été annoncée par Washington et Ankara. Les Européens quant à eux se méfient des progrès de l’industrie de défense turque, à l’image du rapport au parlement sur les exportations d’armement de la France de 2024 publié par le gouvernement: “L’environnement concurrentiel a profondément évolué au cours des dernières années. Aux côtés des exportateurs historiques (…) des acteurs plus récents s’affirment chaque jour davantage sur le marché de l’armement, à l’instar de la Chine, de la Corée du Sud ou de la Turquie, lesquels bénéficient d’une montée en gamme de leurs produits et d’un contrôle export désinhibé.” Cette évolution préoccupe les fournisseurs historiques du secteur.

Enfin, le secteur de l’industrie de défense en Turquie fait aussi face à des défis, principalement politiques. Certains projets très ambitieux comme le dôme d’acier, voulant offrir à la Turquie un système de défense antimissile multicouches à la manière du dôme de fer israélien, nécessitent des ressources supplémentaires. Cette installation est donc en partie dépendante de la santé économique du pays encore frappé par la crise financière qui l’a secoué à partir de 2018. De manière plus générale, l’objectif politique d’une autarcie totale en matière de défense est difficilement réalisable. La Turquie, comme beaucoup d’autres pays, doit coopérer avec ses partenaires internationaux pour alimenter les capacités de sa BITD et produire des systèmes d’armes complexes.

Tensions au sein de l’OTAN entre la Turquie et ses alliés.

Pour conclure, l’évolution de la BITD turque à été au départ motivée par la volonté d’acquérir les capacités nécessaires à se défendre par ses propres moyens par peur d’être délaissé par son allié américain. Aujourd’hui, elle s’est transformée pour servir des objectifs davantage politiques en constituant un élément clé du rayonnement de la Turquie. L’État participe grandement au développement de l’industrie de défense du pays en s’appuyant sur des entreprises de pointe en constante recherche d’innovation ainsi que sur des partenariats stratégiques propres à sa sphère d’influence régionale. Ankara avance ses pions peu à peu misant sur son ambiguïté stratégique pour devenir une puissance d’équilibre dominante. La BITD turque représente encore un secteur d’avenir pour les jeunes générations et les grandes ambitions d’Ankara en la matière pourraient venir fragiliser les fournisseurs traditionnels à condition que la santé économique du pays s’améliore.

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