Le chiisme irakien, bien que partageant des racines religieuses avec l’Iran, se distingue par une identité nationale forte et un nationalisme chiite anti-iranien, illustrant les tensions entre l’influence iranienne et la souveraineté irakienne dans les domaines politique, religieux et économique.
Esmail Jasem
9/25/20242 min lire

Le chiisme irakien anti-iranien est un phénomène complexe qui illustre les tensions entre l’identité nationale irakienne et l’influence croissante de l’Iran dans le pays. Bien que partageant la même confession, le chiisme irakien possède une histoire distincte de celle de son voisin iranien, notamment en raison du rôle central des villes saintes de Najaf et Karbala, véritables centres intellectuels et spirituels du chiisme depuis des siècles. Une rivalité historique persiste entre les écoles théologiques d’Irak et d’Iran, reflétant des visions différentes du chiisme.
En Irak, le sentiment nationaliste arabe est profondément enraciné chez de nombreux chiites, ce qui contraste avec l’influence iranienne perçue comme étrangère. Un exemple frappant de cette dynamique est le mouvement sadriste, dirigé par Moqtada al-Sadr, qui se distingue par son nationalisme férocement anti-iranien, tout en se revendiquant du chiisme. Ce nationalisme s’est intensifié à partir de 2003, en réaction à l’ingérence croissante de Téhéran dans les affaires irakiennes.
L’une des principales divergences entre les deux courants chiites réside dans leur approche du rapport entre religion et politique. En Irak, l’ayatollah Ali al-Sistani, figure religieuse majeure, prône une séparation plus marquée entre le religieux et le politique, à l’inverse de la doctrine iranienne du wilayat al-faqih, qui accorde un rôle prédominant au clergé dans le gouvernement.
Politiquement, l’influence des milices pro-iraniennes en Irak a généré un ressentiment chez de nombreux chiites irakiens, qui perçoivent ces groupes comme défendant les intérêts de Téhéran aux dépens de ceux de Bagdad. Cette méfiance s’est également renforcée à travers l’intensification des pèlerinages iraniens vers Najaf et Karbala. Les manifestations de 2019-2020 ont vu des milliers de jeunes chiites irakiens dénoncer l’emprise iranienne, témoignant d’un rejet populaire croissant.
Sur le plan économique, les divergences entre l’Irak et l’Iran, notamment dans le domaine pétrolier, nourrissent également les tensions. Certains chiites irakiens redoutent que leur pays ne devienne économiquement dépendant de l’Iran, aggravant ainsi leur opposition à l’influence de ce dernier.
Néanmoins, malgré ces résistances, l’influence iranienne reste prégnante, notamment à travers les milices qu’elle soutient. Face à cette complexité, de nombreux dirigeants irakiens adoptent une approche pragmatique, tentant de préserver un équilibre entre les intérêts irakiens et la nécessité de maintenir des relations stables avec l’Iran.
En conclusion, le chiisme irakien anti-iranien continuera probablement de jouer un rôle significatif dans les dynamiques politiques internes du pays, alors que l’Irak cherche à affirmer sa souveraineté tout en naviguant dans les eaux troubles des influences régionales.